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dimanche 13 octobre 2019

ENTRE LES BARRICADES...

Bonjour à tous, 

Comme vous le savez sans doute, l'Equateur est actuellement dans une période difficile. 

En effet, suite à la décision de suspendre les subventions sur les combustibles, le prix de l'essence et du gasoil ont plus que doublé dans le pays. Le galon (3,8 litres) de gasoil, par exemple, est passé de 1 dollar à 2,30. Alors, vous direz, ce n'est quand même pas très cher, surtout comparé aux prix en France. Certes. Mais c'est une énorme augmentation subite pour un pays où le salaire mensuel moyen est entre 300 et 400 dollars. 

Suite à cette décision, une grève nationale a été décidée et a commencé le jeudi 3 octobre. Mise en place de barrages un peu partout, ce qui rend l'entrée et la sortie des villes et villages impossibles. 

Nous sommes donc tous enfermés dans nos villes et villages. 

Les deux photos ci-dessus sont prises pas très loin de chez nous, sur la seule route accédant à nos territoires et à notre salle de réunions.

La panaméricaine, la grande route qui traverse toute l'Amérique du Sud du nord au sud, est donc vidée de ses véhicules (remplacés par les manifestants) depuis le 3 octobre, comme vous le voyez ci-dessus et ci-dessous.



La Plaza de Ponchos, célèbre place du marché d'Otavalo, qui ressemble à ça en temps normal : 


est depuis 10 jours complètement vide : 




La rue principale du centre-ville d'Otavalo au moment d'une des marches des grévistes

Rassemblement sur la place de la mairie

Conséquences directes du "paro" (la grève) : plus d'approvisionnement car les camions ne passent pas > les magasins se vident. 

Les trois photos ci-dessous ont été prises après seulement 2 jours de grève...






Par prudence, dès le premier jour de grève, le jeudi 3 donc, Ludo et moi avons décidé d'aller faire quelques courses. Et la suite des événements nous a donné raison...







En prévision d'une éventuelle coupure d'eau (et aussi parce que ça arrive souvent ;-) nous avons décidé de remplir tous nos bidons vides et nous avons bien fait car coupure d'eau de plusieurs heures le samedi après-midi. 

Heureusement, pas d'autre coupure depuis. Mais comme la menace de la coupure d'eau (et d'électricité et d'Internet) est un moyen de pression utilisé par les manifestants, nous sommes contents d'avoir nos petites réserves.

Le jeudi, jour de début de la grève, Ludo et moi avons pris la voiture et nous sommes dirigés vers notre lieu de rendez-vous mais il y avait un barrage de police. Les policiers nous ont expliqué que, plus haut, il y avait un barrage de manifestants qui empêchaient les gens de passer, dégonflaient les pneus des "intrépides", bref, nous avons fait demi-tour et rangé la voiture. 

Et annoncé la mauvaise nouvelle à Léna. On vous explique, pour ceux qui ne sont pas au courant : Léna est une Française vivant à Manchester venue passer un mois en Equateur. Son premier grand voyage. Son vol de retour à Manchester était prévu justement le jeudi 3. Elle était arrivée à Otavalo 2 jours avant de rentrer en Europe, le mardi, pour visiter et nous devions la loger 2 nuits.

Bon, mardi prochain, ça fera 2 semaines... Au début, elle était optimiste et ne voulait pas trop défaire sa valise... Mais, je lui ai quand même fait un peu de place dans l'armoire, donné quelques cintres et l'ai encouragée à s'installer confortablement. 

Nous ignorons toujours quand elle pourra rentrer chez elle. Mais, heureusement, notre colocation se passe plutôt bien et on a l'air de gérer la situation pas trop mal tous les 3 ;-) 


la vie continue

Nous ne nous laissons pas décourager par les difficultés, les barrages et l'impossibilité de nous rendre dans nos territoires : en voiture impossible et à pied, c'est loin et potentiellement dangereux car il faudrait passer par les points en photos plus haut...

Le jeudi donc, en rentrant chez nous, nous nous sommes mis à faire quelques courriers : 




Le vendredi matin, nous sommes allés faire du courrier chez Marta et David, de notre assemblée et qui habitent à 35 minutes à pied de chez nous (en montant bien sûr ;-)(Léna a craché ses poumons)

Le dimanche matin, nous avons tenu notre réunion "comme si de rien n'était" sauf que nous l'avons faite chez nous, à 3... 



On avait prévu de regarder le streaming mais comme Internet ne fonctionnait pas, Ludo a fait un discours puis nous avons fait la TG à 3. Une réunion normale, quoi ;-)

L'après-midi, il pleuvait > on s'est dit que ça allait refroidir les ardeurs des grévistes, l'ambiance semblait "tranquille" dehors ; nous avons alor décidé de marcher jusqu'à la cascade de Peguche, à environ 50 minutes de chez nous. On avait besoin de prendre l'air et on voulait  aussi que Léna découvre quelques jolis endroits à Otavalo. Dommage de rester si longtemps sans rien voir !

Aussi, Wayra, un compagnon indigène de notre assemblée, est arrivé chez nous dimanche vers 13 heures. Il est en quelque sorte venu se réfugier chez nous car il habite dans une communauté indigène et les manifestants exercent pas mal de pressions sur les autres indigènes pour qu'ils soutiennent le mouvement. Ce qu'a refusé Wayra et il ne se sentait pas en sécurité. Il est donc parti de chez lui le dimanche matin, a marché environ 4 heures pour arriver chez nous. Et nous sommes donc partis tous les 4 en balade à la cascade après le déjeuner. C'était bien : ça nous a changé les idées à tous les 4.





les eucalyptus majestueux











notre famille agrandie ;-)
(Wayra est resté dormir chez nous le dimanche soir)




fresques murales sur le chemin du retour

En rentrant, nous nous sommes arrêtés chez Jacky et Michèle, nos amis Belges, pour voir comment ils allaient. Et eux aussi vont bien. Nous, on a Léna, eux, ils ont Corinne, une amie à eux qui est arrivée de Suisse le mardi avant le début de la grève, pour un mois de vacances avec eux.... ils avaient organisé un joli périple mais pour l'instant, Corinne a surtout visité Otavalo !

La fine équipe
(photo prise dans un café d'Otavalo, le mercredi AVANT la grève)


Dès que nous avons appris que les supermarchés étaient "ouverts", nous y sommes allés. Sauf qu'on ne rentre que par petits groupes, le vigile ferme la porte, nous faisons les courses puis le vigile ouvre la porte et fait sortir le groupe pour en faire entrer un autre. Tout ça pour éviter les pillages - saccages. 

ça donne ça : le vigile ouvre juste cette petite porte pour nous laisser sortir avant d'accueillir le prochain petit groupe.

Ce jour-là, j'ai acheté les 2 dernières aubergines du magasin et quelques poires. C'est à peu près tout ce qu'il restait au rayon fruits et légumes. Il restait encore un peu de beurre salé (mais ça ne part pas vite de toutes façons ;-) alors j'en ai racheté (oui, encore)(on ne sait jamais).

Mercredi soir dernier, nous avons eu notre réunion par petits groupes et dans des foyers privés, à 16 heures, pour éviter de rentrer tard et de nuit. 

voilà une partie de nos compagnons !

A gauche de la photo, vous voyez Diana et Javier, c'est notre responsable de circonscription et sa femme. 

Minute annuaire : ils étaient à Quito avant la grève mais avaient une semaine spéciale à Rumipamba (plus loin qu'Ibarra) cette semaine. Et leur logement est à Otavalo, pas très loin de chez nous. 

Ils ont donc décidé d'essayer de rejoindre leur destination le lundi en partant de Quito en voiture. Ils ont pu franchir quelques barrages jusqu'à Cayambe mais absolument impossible et trop dangereux de venir en voiture jusqu'à Otavalo. Ils ont donc laissé voiture et valises chez un ami (ou quelqu'un de la famille, je ne sais plus). Ce quelqu'un leur a prêté 2 vélos et ils ont pris la route. 

5 heures et 40 km plus tard, en montagne, à plus de 2 500 mètres d'altitude, ils sont arrivés à Otavalo. Le trajet a été compliqué : ils ont été obligés, à l'approche de certains barrages, de descendre de vélo, porter le vélo sur leur dos et passer le barrage à pied. On ne sait pas trop pourquoi mais les grévistes ne tolèrent aucune roue. A pied, ça peut encore parfois passer,  parfois en payant un "péage" (non officiel, bien sûr).

Comme Diana et Javier ne pourront pas rejoindre Rumipamba, ils restent chez eux cette semaine et nous ont tenu compagnie. C'était encourageant de les avoir avec nous :-) Et leur courage tenace nous a fait forte impression. 
Notre récompense en rentrant de la réunion mercredi soir : nous avons trouvé quelques fruits et même un bouquet de roses.




Une autre partie de notre assemblée s'est réunie dans un autre endroit : 

on était quand même un peu tous ensemble :-)



et encore un atelier "lettres - WhatsApp - téléphone"


Vendredi dernier, nous avons appris aux infos que le marché couvert d'Otavalo serait ouvert de 6 h à 12 h, espèce de "cessez-le-feu" général dans la ville pour que chacun puisse faire quelques courses. 

L'objectif officiel était annoncé "renforcer l'unité du peuple équatorien dans la lutte" mais on a saisi l'occasion, vous pensez bien. 


Et nous avons aussi pu donner le témoignage discrètement et prudemment à quelques marchands. 

L'après-midi, nous sommes partis à la recherche d'une petite plaque électrique, ou au moins d'une bouilloire, car nous cuisinons au gaz et l'eau chaude des douches est au gaz aussi. 

Nous avons normalement 2 bouteilles de gaz mais nous pensions qu'une des deux serait bientôt vide et qu'il nous fallait une alternative au gaz puisque l'approvisionnement ne se fait plus. Nous avions, dès le début de la grève, rationné les douches chaudes (en fréquence et en durée) mais une bouteille n'est pas éternelle.

Pas de chance, nous n'avons rien trouvé en ville.

Alors c'est beau d'avoir du riz et des pâtes en stock mais si on ne peut pas les cuire... 

Samedi matin, nous sommes repartis à la recherche d'une plaque mais rien non plus. Et là, ça devenait compliqué car une bouteille était effectivement vide. Léna a pris sa douche froide le matin... 

Nos amis Belges acceptaient de nous prêter leur bouilloire (ils ont un micro-ondes et encore un peu de gaz en stock) pour au moins chauffer l'eau avant de la mettre sur le feu et économiser ainsi un peu le gaz.

Samedi après-midi, Ludo, qui commençait à "avoir la trouille" (il m'a dit ça tout à l'heure ;-) est donc parti récupérer la bouilloire chez eux. Je ne sais pas trop comment ni pourquoi mais ils se sont mis à fouiller les cartons entreposés de Jacky et Michèle. Cartons qui n'avaient jamais été ouverts depuis leur arrivée en Equateur il y a 2 ans. 

Ils ont déménagé avec un container, les veinards !, et ne savaient plus trop exactement ce qui se trouvait dans leurs cartons non ouverts.... Eh ben, je peux vous dire que Ludo a vite trouvé la petite plaque électrique dans son carton !!!!!!

On est sauvé ; on ne mourra pas de faim tout de suite !




Ce matin, à nouveau réunion de notre assemblée en 3 lieux différents, dont une chez nous : 




Ludo fait le discours en alternant espagnol et Quichua


La Biblie en 2 langues : espagnol et Quichua
ce n'est pas la traduction du monde nouveau ;-(

Puis Segundo a dirigé la TG en Quichua et Ludo a courageusement fait la lecture des 18 paragraphes en Quichua.



Nous étions 6 chez nous : je vous les présente : Carina, Léna, Rocio  et Segundo.

Nous avons ensuite partagé mon cheesecake sans cuisson fait la veille.




Groupe 2 : chez David (qui prend la photo) et Iromi, sa femme, au premier plan




et le groupe 3 (il avait l'air de faire froid là où ils étaient, près du lac...)

Pour notre assemblée de 25, nous étions donc en tout 44. C'est plutôt bien en temps de crise ;-)

Voilà quelques nouvelles aussi récentes que possible. 

Nous attendons patiemment de voir comment les choses évoluent en nous adaptant au mieux. Nous prenons "un jour à la fois", comme dit la chanson. Même si c'est plus exact de dire que c'est "une heure à la fois" en ce moment ;-) 

Mais dans l'ensemble, ça va plutôt bien :-)

Et pour finir, ça faisait longtemps : une petite photo de volcan, vu de notre terrasse. Le Cotacachi à la cime enneigée comme nous ne l'avions jamais vu.



Nous vous embrassons tous très fort et vous disons à bientôt !

2 commentaires:

  1. Ça restera dans les annales, bravo pour votre courage ��

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  2. Oui, ce furent 12 jours difficiles mais formateurs. Et ça nous a pas mal rapprochés de nos compagnons :-) Comme l'a dit Jasmine "we are making lemonade out of -sour- lemons" :-)

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